Cette page a pour objet d’apporter des précisions et de répondre à quelques questions clés sur la transmission des traumatismes familiaux et éclairer les phénomènes étranges, voire spectaculaires que nous rencontrons dans notre pratique.
1ere précision : Nous parlons (moi le 1er) de transgénérationnel (ce qui traverse les générations) et par là même entretenons une possible confusion. Celle qui consiste à penser que les traumas pourraient sauter des générations, c’est-à-dire que nous pourrions porter les drames vécus par un ancêtre que nous n’avons pas connu sans qu’il existe un relais de proximité ! C’est faux ! Les traumas ne sautent pas de génération…nous devrions parler de transmission ou d’approche intergénérationnelle ! Ce qui se transmet, se transmet toujours par un lien de proximité et dans un rapport affectif fort.
2ème précision : Les traumas familiaux ne se transmettent pas génétiquement, mais seuls des marqueurs de stress sont identifiables dans la descendance d’un ancêtre qui a subi des traumas. Une empreinte épigénétique qui va se transmettre aux enfants et qui donnera une plus grande sensibilité au stress. L’empreinte épigénétique est liée au mode de vie, c’est une trace au sens large des expériences vécues qu’elles soient alimentaires, climatiques, expériencielles…et ces empreintes ne vont pas modifier le gène mais conditionner son ouverture ou sa fermeture. Là, en l’occurrence les traumas vécus par un ascendant va laisser une trace sur 3 générations, cette trace sera une sensibilité accrue au stress, plus importante à la 3ème génération qu’à la 1ère ou la 2ème ! Cest tout ce que l’on peut dire aujourd’hui d’une transmission physiologique !
3ème précision : Qu’est-ce que nous entendons par « traumatisme familial » ?
Le traumatisme est aussi souvent confondu à tort avec l’évènement qui peut le déclencher. Nous parlerons donc plutôt ici d’évènements potentiellement traumatogènes.
Le fait de subir un évènement potentiellement traumatogène ne prédispose pas forcément au traumatisme. Il s’agit d’une rencontre entre un évènement et un sujet.
Ce qui est capital pour le sujet c’est le contexte dans lequel intervient l’évènement. Un contexte qu’il nous faut analyser et donc il ne suffit pas de décoder un arbre généalogique en pointant un évènement grave pour affirmer que l’ascendant a été traumatisé et encore moins en conclure que le sujet qui consulte en porte le fardeau.
Le traumatisme psychique ou psychotraumatisme, ce n’est donc pas l’évènement mais c’est l'ensemble des mécanismes de sauvegarde d'ordre psychologique, neurobiologique et physiologique qui peuvent se mettre en place à la suite d'un ou de plusieurs évènements générant une charge émotionnelle non contrôlée et dépassant les ressources du sujet.
Il s'exprime très souvent par un trouble de stress post-traumatique mais également par des troubles de l'humeur, troubles de la personnalité, troubles de l'alimentation, troubles anxieux généralisés, symptômes dissociatifs, troubles psychotiques aigus..
Et lorsque nous parlons dans notre pratique de traumatisme familial, il s’agit d’un ou plusieurs traumatismes non résolus vécus par un ascendant et qui a entraîné des mécanismes de sauvegarde individuels et groupaux (groupe familial).
Alors abordons les questions : Qu’est ce qui se transmet vraiment ? L’évènement traumatique ou les effets du trauma ? et comment évolue dans le temps ce qui a été transmis ?
Vous avez compris que puisqu’il ne suffit pas de rencontrer un évènement traumatogène pour qu’il existe un trauma (c’est bien la rencontre entre l’évènement et le sujet qui détermine la suite), alors nous pouvons dire que ce n’est pas l’évènement en tant que tel que nous risquons de rencontrer dans la descendance mais bien les effets du trauma vécu par l’ascendant. C’est-à-dire que les descendants vont être perturbés par les mécanismes de défense mis en place par un parent
Il existe une différence importante entre ce qu’a vécu le parent et ce que va vivre le descendant. Le sujet face à l’évènement va mettre en place des défenses psychiques pour survivre à l’effraction psychique qu’a créé l’évènement.
La personne traumatisée, afin de tenir le coup, a pu mettre en place des défenses psychiques massives :
a) se couper de la réalité (déni, clivage, amnésie..)
b) Se couper de ses émotions (et ainsi ne plus ressentir de la souffrance)
c) Allumer un contre feu.
d) Décharge somatique (symptômes psychosomatiques)
Ou des défenses plus souples : Faire un secret (ne rien dire), un non-dit (on ne dit pas tout mais une partie seulement dans l’intention de se protéger ou protéger un parent, ou on raconte tout mais sans affect, comme si cela n’avait pas eu de conséquences), minimiser sa souffrance
e) Des solutions ritualisées (addictions) qui vont devenir des ultras solutions et créer des effets secondaires qui vont générer des symptômes importants.
Le groupe familial pour faire face à la tempête et éviter l’implosion peut aussi mettre en place des défenses groupales (pour éviter la honte faire un secret ou transformer la réalité, créer des exclusions (bannir certains membres), des ruptures avec une partie de la famille, se replier et éviter au maximum les contacts avec les étrangers…
Et ce sont ces défenses qui généralement vont avoir une influence sur le descendant notamment en nuisant à un attachement sécure. En créant un trouble dans l’attachement, le parent va mettre en difficulté son enfant, ce qui va créer une souffrance que l’enfant ne pourra comprendre. Un parent traumatisé risque de transmettre son agitation, son anxiété, son imprévisibilité renforçant l’insécurité de l’enfant et créera en lui un sentiment d’étrangeté qui risque de mobiliser son investissement psychique.
Oui, ces moments clés ce sont les moments où à la fois le parent est dans une ouverture émotionnelle forte (accession à la parentalité par exemple) et que l’enfant est dans une grande dépendance vis-à-vis de lui. Donc la petite enfance est la période la plus critique pour recevoir des contenus émotionnels discordants, intenses, problématiques et pas de possibilité de prendre du recul, donner du sens, penser et relativiser pour l’enfant.
Quand nous sommes nourrissons, nous n’avons pas conscience de nous-mêmes. Pour nous permettre de prendre conscience de ce qui se passe en nous et nous l’approprier nous avons besoin d’un double, d’un miroir. Il y a nécessité pour le nourrisson que le parent renvoie ce que le nourrisson produit car nous nous construisons dans toutes les interactions affectives avec nos proches par mimétisme :
- l’imitation motrice
Qui engendre une imitation émotionnelle,
- l’attention conjointe ( lorsque l'adulte regarde qque chose, l'enfant aussi) . L’univers émotionnel est central et l’accordage parent/enfant est capital. Et c’est dans ce mimétisme et cette fusion émotionnelle que nous nous construisons.
Nous nous construisons dans une intersubjectivité, d’abord dans une altérité, avec un autre qui par sa présence aimante et ses échanges affectifs, va circuiter notre cerveau. Un parent traumatisé sera beaucoup moins présent émotionnellement et psychologiquement et moins rassurant car il va renvoyer à l’enfant des contenus étranges ne reflétant pas l’interaction avec l’enfant. Le parent sera face à l’enfant, traversé par sa souffrance, sa déprime, ses angoisses et l’enfant va ingérer ces contenus étrangers , des émotions qu’il ne pourra lier à l’échange en cours et qui l’encombreront, créant une insécurité. Sans sécurité préalable il est très difficile d’apprendre et se structurer. Plus le parent est souffrant, plus l’enfant a face à lui un miroir déformant. Et plus le nourrisson va avoir un rapport à son corps perturbé par ces émotions très lourdes qu’il a capté sans pouvoir les traiter, raisonner prendre de la distance. C’est en lui que ça se passe, c’est à lui que ça arrive dans une scène incompréhensible. N’oublions pas que nous nous voyons comme nous avons été vu, nous nous sentons comme nous avons été sentis, nous nous écoutons comme nous avons été écoutés. Si on ne peut pas se sentir, si on ne peut pas se voir ou si on ne s’écoute pas…vous voyez ce que je veux dire !
Dans l’enfance, des contenus énigmatiques passerons aussi par des mots lourds d’émotions, des changements brutaux d’humeurs, de l’imprévisibilté chez le parent. Des sur-réactions face à un contenu médiatique (film, infos…), des silences glacés quand on évoque un sujet sensible pour le parent comme par exemple parler de sa propre enfance, de ce qui a été douloureux. L’enfant apprend alors à ne plus questionner ces sujets. Je reçois des patients qui ne savent rien de la vie de leurs parents parfois. Ce sont des parents sans histoire ! Le patient souffre et ne sait pas de bien de quoi, n’a rien vécu de dramatique dans sa vie et ses parents semblent avoir traversé leurs vies sans malheurs ou souffrance !
Les transmissions des effets traumatiques, peuvent se faire à bas bruit. Dans le quotidien. Nos parents nous présentent et expliquent le monde et la vie. Ils nous donnent leurs représentations du monde bien avant que nous soyons en mesure de nous faire une opinion. Ils colorent le monde en fonction de ce qu’ils ont connus, de leurs peurs, de leurs pensées inquiètes, de leurs jugements…et tout ceci va bien sûr dépendre de ce qui les a fait souffrir. Ils nous lèguent très tôt leurs héritages à travers des règles verbales que nous intégrons sans les remettre en question. Ces règles verbales sont précieuses souvent puisqu’elles nous permettent de connaître les dangers sans avoir à en faire l’expérience personnelle. Cependant, un adulte traumatisé va souvent développer une tendance massive au contrôle de son environnement pour tenter d’échapper à sa grande anxiété et créer chez son enfant des peurs, des incapacités à vivre spontanément et en toute insouciance. Celui-ci aura alors un accès inquiet au monde.
Qu’est ce qui peut nous indiquer qu’un sujet est impacté par la transmission de traumas familiaux irrésolus ?
Des signes doivent retenir notre attention :
Les effets des transmissions vont se révéler de plusieurs manières. En général ce sont ces effets qui poussent à consulter. Je peux les regrouper en 3 grandes manifestations :
Disons que chaque âge de l’enfant renvoie son parent à ce qu’il a vécu au même âge. Si cet âge de l’enfant correspond à l’âge qu’avait le parent quand il a connu un drame, alors un phénomène apparait que l’on nomme le syndrôme d’anniversaire. Quelques mois avant que l’enfant atteigne l’âge clé pour le parent, celui-ci va commencer à se comporter de manière étrange, va ressentir énormément d’anxiété, va s’agiter et plonger le groupe famillial en insécurité sans pouvoir nommer ce qu’il se passe. L’enfant risque alors de faire une décompensation somatique comme j’ai pu déjà l’évoquer dans d’autres conférences. Un enfant qui tout à coup ne peut marcher sans pour autant souffrir d’un problème physique, ou déclencher un trouble anxieux massif etc.
Ce syndrome d’anniversaire (atteindre l’âge qu’avait un parent quand il a connu un drame) fonctionne tout au long de la vie.
On a vu comment opère cette transmission d’un point de vue assez théorique, illustrons pratiquement cette mécanique intergénérationnelle :
C’est ce dont nous parle l’écrivain Jean-Claude Snyders dans son livre « «secret d’enfance ». Son père, qui n’a jamais pu élaborer le traumatisme de sa déportation, a élevé ses enfants dans l’idée que la violence n’existait pas et que le monde était gentil. C’était une façon pour lui de repousser toute représentation de violence, et donc de tenir loin de sa conscience les souvenirs terribles de ce qu’il avait vécu. Son fils a donc découvert la réalité de la violence tard, et sans avoir pu se familiariser progressivement ni avec la sienne ni avec celle de ceux qui l’entouraient. Il a souffert de troubles de la relation en rapport avec le fait de s’être caché trop longtemps la violence dont il avait pu être la victime, et celle qu’il avait éprouvée en retour, ou simplement du fait des conditions normales de la vie. Car si une bonne intégration sociale suppose de ne pas agir la violence, elle suppose tout autant de pouvoir la penser et la ressentir ! Une fois adulte et père, Jean-Claude Snyders décide donc d’éviter ces difficultés à ses propres enfants. Mais son amertume est si forte et l’éducation qu’il a reçue tellement caricaturale qu’il ne peut pas s’empêcher de tomber dans le travers opposé. Il parle sans cesse de la violence à ses enfants, allant même jusqu’à leur acheter des revolvers en plastique avant qu’ils en fassent la demande ! Ses deux fils ne tardent pas à présenter des difficultés. Ils s’angoissent sans raison et développent des pratiques obsessionnelles.
1) Le grand-père est déporté, traumatisé
2) le père, l'écrivain est éduqué dans un monde où la violence est niée à inadaptation à la réalité qui crée des problèmes relationnels
3) Il élève ses enfants en les confrontant très intensivement à la violence à Pb obsessionnels
Nous pourrions nous dire en 1ère lecture que les petits-fils sont perturbés par la déportation du grand-père. De manière indirecte seulement. Ils ne sont pas en lien avec le grand-père en déportation mais avec un père, le leur, qui n'a pu avoir un lien vrai avec son propre père. Une communication tronquée où les émotions entrent en contradiction avec la parole et où la réalité doit en permanence être niée car elle ne peut être pensée.
Le trauma de la déportation n'a pu être dépassé pour le grand-père et cela a totalement faussé la communication entre le grand-père et son fils. Le grand-père créant un monde irréel pour ne pas avoir à évoquer ce qu'il a enduré. Le père lui a augmenté la présence de la violence dans la réalité, créant pour les enfants un monde terrifiant. Ce qui, pourrait faire croire de manière abusive que c’est l’expérience des camps qui est à l’origine des pensées obsessionnelles autour de la violence. Ce qui se transmet, se transmet toujours par un lien de proximité et dans un rapport affectif fort.
La mécanique des oracles (plus on cherche à fuir un drame plus on risque de le mettre en acte)
Pourquoi un drame vécu par un ascendant, semble se répéter ou risque de se répéter chez un descendant ?
Nous sommes loin d'un déterminisme, d'une malédiction, d'un ancêtre mal mort, mais bien d'une dynamique familiale où, quand un événement a été traumatique et qu'il n'a pas été digéré, intégré, parlé suffisamment, le groupe familial va mettre en place des défenses ou des solutions inadaptées. Cela peut alors créer ce que l’on redoute, une situation catastrophique pour un descendant en fonction de sa venue au monde, de sa place, de son sexe ou des projections que sa famille opère sur lui. Et on voit que, pour se guérir inconsciemment d'un sentiment de culpabilité lié au drame vécu, on peut créer en partie les conditions d'un nouveau drame !
On ne peut pas esquiver le traitement du trauma. La souffrance à laquelle on ne veut pas consentir parce qu’on la ressent comme insupportable, indique le chemin de l'esquive à la place du véritable et douloureux chemin de la guérison qui donne la marche à suivre.
La guérison ne consiste pas à rappeler le drame pour en changer le dénouement. Mais à accepter la réalité et ses conséquences et construire sur la base de cette réalité. Ce qui implique d'accepter, de faire le deuil de l'événement marquant et de ses conséquences inéluctables. Il n'y a rien à réparer, il y a à se remettre debout en prenant appui sur la réalité, non en l'esquivant. Paradoxalement, c’est la réalité aussi dévastatrice soit-elle qui va être notre plus grand allié pour la suite. Un allié qui adossé à une temporalité qui échappe à notre maîtrise, va nous remettre debout. Réalité et temporalité longue…tout ce que nous détestons !
Ainsi ce que l’on pense être l’œuvre d’une destinée implacable obéit à une mécanique humaine bien huilée où les parents pour éviter un nouveau drame ou réparer leurs souffrances, vont mettre en place une « esquive » pour échapper à ce qui s’est produit, on tente de faire l’inverse. Mais cet inverse n’est pas plus adapté que les actes d’origine et risque de provoquer un drame similaire.
Faut-il se taire ou raconter ? Est-ce que les souffrances non dites peuvent avoir une influence sur nos proches et nos enfants ?je viens de l’illustrerSouvent, ce que l’on tait est plus bruyant que ce que l’on dit (les dégâts des non-dits familiaux)
Leurre : Un parent peut vouloir protéger son enfant de récits trop lourds. Il peut souhaiter ne pas parler de ce qu’il a subi pour ne pas influencer son enfant ou pour se protéger lui-même d’avoir à penser, se souvenir, évoquer ce qui a été très perturbant pour lui. Ainsi chacun semble protégé de la douleur vécue par le silence. Mais c’est souvent un leurre.
Cela peut nous amener à ne pas faire le lien entre ce qui est tû et le symptôme de l’enfant. Laisser son enfant (et les soignants) aux prises avec une énigme dont seul le parent a la clé. Laisser l’enfant s’enfoncer dans sa problématique au risque d’être stigmatisé par son entourage (l’enfant qui a des comportements difficiles, des difficultés d’apprentissage ou relationnel, et peut développer une phobie scolaire…)
Le danger : C’est quand on reste sur la logique, quand un parent ne dit pas, l’enfant ne sait pas et on le protège !
Il se trouve qu’un évènement que l’on vit peut-être contenu psychiquement par des défenses psychiques efficaces mais l’enfant lui, ne vit pas l’évènement, il ne le connait pas, il ne peut donc s’en protéger. Lui s’offre à son parent dans toute sa disponibilité émotionnelle, affective. Et quand il reçoit en réponse à ses besoins des comportements étranges (glacés, pétrifiés, désordonnés, incohérents), il ne peut les isoler de celui qui les transmet. Et sa dépendance au parent est telle qu’il lui faut recevoir ce parent quelle que soit l’ambivalence du parent. On sait aujourd'hui que quand il y a un trauma dans une famille le premier signe qui apparaît est l’insécurité psychologique, l’anxiété, la peur de tout ce qui est nouveau.
Dans un excellent article où il étudie l’impact des non-dits familiaux sur les générations suivantes, en particulier en lien avec le déclenchement d’une psychose à la génération suivante, Matteo Selvini (1995) montre très subtilement combien la minimisation de la souffrance, si elle est, pour la génération qui l’a vécue, une manière de survivre, devient un piège pour la génération suivante. Selon lui, cette minimisation de la souffrance dans l’histoire des parents constitue un des principaux facteurs de risque (et non pas un facteur causal) dans le déclenchement, à la génération suivante, de pathologies graves. Il appelle « méconnaissance de la réalité » cette minimisation ou négation de leur souffrance durant leur propre enfance. Souvent, les parents des personnes souffrantes ont un passé lourd mais gardé secret. Dans leur discours, ils cachent leur souffrance d’enfant et parfois même idéalisent leur enfance. Ils racontent à leurs enfants qu’ils ont eu une enfance heureuse, et que tout va bien dans leur vie, mais leurs enfants captent bien sur le plan non-verbal une souffrance enkystée encore vive chez leurs parents. Ces enfants-là ne savent plus quoi penser. Ils sentent des choses pourtant justes mais qui ne sont pas validées par le discours de leurs parents. La confusion s’installe alors en eux…et les symptômes se développent.
C’est une situation habituelle dans ces phénomènes intergenerationnels, la projection de la souffrance barrée par des mécanismes inconscients de protection( des défenses psychiques) souffrance qui revient maquillée comme une voiture volée et qu’aucun n’est en mesure de reconnaître et de se l’approprier pour la soulager. D’où la répétition des schémas toxiques.
Qu’en est-il de la transmission inconsciente dans les familles recomposées ?
Peut-on « hériter » des traumatismes d’un beau-parent, d’un conjoint ou d’un parent que nous n’avons pas connu ?
Cela dépend de plusieurs facteurs : si un lien affectif très fort est créé dans l’enfance alors oui nous pouvons être impacté par les effets des traumas du beau parent. Si le lien affectif n’est pas créé alors, à priori non, l’enfant ne va pas chercher à guérir son beau-parent en s’emparant de la souffrance vécue par celui-ci.
Cependant, bien évidemment le beau parent peut traumatiser l’enfant par un comportement pervers.
Est-ce qu’un conjoint peut nous impacter dans notre couple ?
Dans ce cas le conjoint ne va pas nous transmettre les traumas non traités de sa famille, cependant, ce conjoint s’il est souffrant va nous impacter car vivre dans un lien affectif fort avec une personne souffrante nous affecte très profondément.
En plus du contenu émotionnel lourd qui se partage, il y a les blessures affectives que l’on projette sur la scène conjugale !
Ce que l’on constate régulièrement avec les personnes traumatisées ou qui ont subi un parent qui n’a pu traiter son trauma, c’est que leur souffrance insuffisamment élaborée va trouver sur la scène conjugale à se rejouer ! Dans le couple nous reprochons à l’autre de ne pas nous donner ce que l’on attend et il faut savoir que souvent ce que l’on attend c’est ce que nos parents ne nous ont pas donné. Comme nos parents ne nous l’ont pas donné alors nous créons toutes les conditions pour ne pas le recevoir dans le couple !
Est-ce qu’un parent que l’on n’a pas connu peut nous transmettre ses traumatismes ?
Comme je vous l’expliquais plus haut, c’est dans un rapport affectif fort, dans la proximité, que les effets du traumas se ressentent, là nous n’allons pas subir d’influence. Nous pourrons bien sur souffrir du manque de présence et d’amour de ce parent mais sans pour cela que l’on puisse parler d transmission.
Pouvons-nous faire la différence entre ce qui nous appartient et ce qui appartient à notre famille dans le cadre des transmissions des traumatismes familiaux ?
Bien évidemment la réponse est non. Ce serait méconnaître la réalité du fonctionnement d’un organisme vivant. Un cerveau ne peut pas être informé de l’extérieur comme un ordinateur. Par exemple après avoir lu cette page, bien malin celui qui pourra désormais faire le tri entre ce que je vous ai dit (ce qui m’appartient) et ce que cela devient chez vous ! Pendant que vous melisez, vous créez de nouveaux circuits neuronaux, par toute une série de réactions chimiques, vous tissez des associations avec d’autres représentations déjà en vous. Qui donc pourrait séparer ce qui vous appartient de ce que nous nous sommes dit ?
lTout ce qui rentre à l'intérieur des êtres vivants est transformé en quelque chose de compatible avec le vivant. Entre l'air que nous respirons et l'air qui circule dans notre sang il y a eu une transformation si vous injectez de l'air dans une veine, vous mourez. Le rôle des poumons est primordial : rejet du gaz carbonique filtration de l'oxygène. Tous les processus du vivant fonctionnent de la même façon, nous prenons des éléments qui proviennent de l'extérieur et nous les transformons c'est obligatoire et en faisons quelque chose qui nous appartient. Et bien il en est de même pour notre vie psychique.
Nous transformons ce qui nous arrive de l'extérieur. Il y a là aussi tout un travail de digestion, de transformation, d'intégration. Et pour faire ce travail là, nous utilisons ce qui existe déjà en nous, nous l’associons. Nous lui donnons un sens en fonction du contexte (situation de l’échange et notre développement et nos besoins). Ce qui signifie que rien en nous ne ressemble à ce que nous avons rencontré physiquement et psychologiquement. Tout a été converti et transformé pour nous l’approprier avec plus ou moins de bonheur et de justesse bien évidemment !
Nous pouvons donc affirmer que tout en nous nous appartient ! Et que se débarrasser des valises de nos ancêtres est une métaphore au même titre que l’enfant intérieur par exemple. Cela permet de faire comprendre plus aisément ce que l’on veut dire, dans une économie de moyens mais bien évidemment avec la limite que pose l’ultra simplification. Notre délivrance passe par l’acceptation de notre grande complexité !